3 Photobooks qui capturent les identités noires comme aucun autre

Trois ouvrages, Trois regards, une histoire en mouvement. AS WE RISE, AFROSURF et IMPOSSIBLE ISLAND d’Henry Froy, réinventent la narration visuelle des cultures noires au reste du monde. Entre mémoire, résistance et éclat, ces œuvres photographiques contemporaines capturent l’âme d’un héritage en pleine résonance.

  1. As we Rise: Photography from the Black Atlantic, Aperture

Le livre As We Rise se distingue par son origine : une collection privée unique, la Wedge Collection de Kenneth Montague, un dentiste canadien devenu l'un des plus grands collectionneurs de photographie en Amérique du Nord. L’ouvrage compile plus d’une centaine de photographies d'artistes noirs de la diaspora, des Caraïbes aux États-Unis, en passant par l’Afrique et l’Amérique du Sud.

À travers des œuvres de Stan Douglas, LaToya Ruby Frazier, Seydou Keïta et Deana Lawson, il explore les thèmes de l'identité, de la beauté, de la résistance et de l'autoreprésentation. As We Rise est une célébration visuelle des voix et des réalités noires, dans toute leur complexité et humanité.

« Trop souvent, dans la culture en général, nous voyons des images de Noirs dans des attitudes de désespoir, de douleur ou d’isolement brutal. Alors que We Rise le refuse gentiment. Ce n’est pas que les gens sont toujours dans une attitude de célébration — non, ce serait un mensonge à l’envers, mais un mensonge correspondant —, mais plutôt qu’ils sont présents en tant qu’êtres humains, crédibles, pleinement engagés dans leur monde.  »
— Teju Cole, "As we Rise"

James Barnor, Drum Cover, Erlin Ibrek, 1966

Samuel Fosso, 70's Lifestyle, 1975-78

Le livre As We Rise dévoile les images de l'exposition éponyme, chacune capturant une forme de magie unique. Structuré autour de trois axes principaux : les communautés, l'identité et le pouvoir, l’ouvrage met en lumière des photographies légendaires et moins connues de l’Atlantique Noir, en traversant les époques et les lieux.

De l'aspiration des couples noirs dans le Harlem des années 1930 à la vie dans les favelas brésiliennes des années 80, chaque image raconte une histoire de résistance, de survie et de joie face aux défis. Le livre intègre également des œuvres majeures de la photographie caribéenne, comme celles de l'artiste martiniquais Patrick Rambaud, qui, à travers ses portraits saisissants, offre une perspective intime de la culture créole et de l'identité noire dans les anciennes colonies françaises.

À travers des artistes comme Afonso Pimenta et Deana Lawson, ce livre souligne l’importance de la narration visuelle, où le quotidien devient radical et essentiel.

Dawit L.Petros, Hadenbes, 2005

As We Rise : Photography from the black Atlantic
Kenneth Montague
Aperture, 2021

2. Afrosurf, Mami Wata

Afrosurf est bien plus qu’un simple livre sur le surf. C’est une audacieuse redéfinition de la vérité. Ce volume de 300 pages est un hommage vibrant à la riche culture du surf en Afrique et à son histoire souvent méconnue. Créé par Selema Masekela et publié par la marque sud-africaine Mami Wata, il réunit certains des meilleurs photographes, écrivains, penseurs et surfeurs du continent pour explorer les cultures côtières dynamiques de 18 pays, du Maroc à la Somalie, en passant par le Mozambique, l’Afrique du Sud et bien d’autres.

Au-delà de la culture du surf, un intérêt croissant se développe pour les sous-cultures dynamiques qui émergent à travers l’Afrique. De l’essor du skateboard en Afrique australe au mouvement de mode et de musique Alte en Afrique de l’Ouest, ces expressions créatives captent l’attention mondiale, mettant en lumière la diversité et les nouvelles façons dont la jeunesse africaine redéfinit la culture, loin des stéréotypes.

Senegal. Photography by Nicole Sweet

« Je pense que les gens commencent à reconnaître la richesse des sous-cultures de niche en Afrique, car elles représentent une nouvelle vague d’expression de soi africaine. Que ce soit dans la musique, les arts ou toute autre passion que les Africains poursuivent avec dévouement, ces expressions portent une identité unique, façonnée par des influences locales. Le skateboard au Ghana ou au Nigeria, par exemple, aura une ambiance et une esthétique totalement différentes de celles de Barcelone ou de New York.  »
— Selema Masekela

Masekela voit également Afrosurf comme un défi aux idées reçues sur la culture du surf. « Il existe une idée fausse bien ancrée selon laquelle le surf est principalement un loisir blanc et occidental, façonné à travers le prisme de la Californie du Sud et de l’Australie, avec une brève mention des Hawaïens et des Polynésiens. Mais c’est un récit incomplet. Ce livre déconstruit totalement cette vision. En tournant ses pages, on découvre comment les cultures africaines indigènes s’intègrent naturellement au mode de vie du surf, créant ainsi quelque chose d’entièrement unique, façonné par la diversité des paysages et des histoires du continent.

« La première description de ce sport n’a pas été faite par le botaniste du capitaine Cook, sur une plage de Tahiti en 1767, mais par un aventurier allemand en 1640, dans ce qui est aujourd’hui le Ghana. »
— Selema Masekela

Mêlant 200 photographies à couper le souffle, 14 récits approfondis et 25 portraits de surfeurs, Afrosurf déconstruit les stéréotypes liés à la culture du surf tout en célébrant l’esprit et la diversité des communautés de surf africaines. Il s’agit du tout premier livre consacré au surf en Afrique.

L’ouvrage met en lumière des figures inspirantes comme Alice Wesseh, pionnière du surf au Libéria, et Cherif Fall, étoile montante du Sénégal. L’une des révélations les plus marquantes est la découverte historique que la première preuve documentée de la pratique du surf remonte à 1640 au Ghana, remettant en question la perception dominante du surf comme un phénomène exclusivement californien ou australien.

Visuellement, Afrosurf se distingue par un design audacieux et captivant qui s'inspire des traditions graphiques africaines. La couverture colorée et l'utilisation de typographies marquantes rappellent les influences spirituelles du continent, que ce soit la Bible, le Coran ou d'autres traditions mystiques. Chaque chapitre adopte une approche graphique unique, reflétant la diversité des récits et des régions couvertes. Parmi les histoires marquantes, on retrouve celle de Kunyalala Ndlovu, qui a grandi au Zimbabwe, loin de l'océan, et rêvait de comprendre l'émotion derrière le slogan de Billabong : "only a surfer knows the feeling".

Au-delà de sa richesse culturelle et artistique, Afrosurf joue un rôle fondamental dans la réécriture de l'histoire du surf en réhabilitant l'héritage africain de ce sport. Ce livre prouve que le surf n'est pas un phénomène importé mais bien un retour aux sources, une renaissance de traditions millénaires. Par ailleurs, l'initiative prend une dimension sociale en reversant l'intégralité des bénéfices à des organisations de surf-thérapie comme Waves for Change et Surfers Not Street Children. Une manière concrète d'affirmer que le surf en Afrique est bien vivant, influent et porteur d'espoir pour les générations futures.

Afrosurf
Mami Wata
Ten Speed Press, 2021

3. Impossible island, Henry Roy, Loose Joints

Quarante ans d’images, 113 éclats d’un monde en suspens. Impossible Island n’est pas une simple rétrospective : c’est une errance lucide, un journal fiévreux où l’exil et l’appartenance s’entrelacent aux quatre coins du monde. Haïti, Dakar, Ibiza, Bangkok, Paris... Des lieux qui s’effacent et se superposent, des horizons qui basculent. Un livre de voyage où le temps se dissout, se fracture, renaît autrement. Henry Roy ne photographie pas, il habite, il exorcise.


Influencé par la Nouvelle Vague, la créolisation, le spiralisme haïtien, Henry Roy fait du quotidien un territoire mystique, où tout devient rituel, où chaque détail — un souffle, un geste, une absence — se charge d’éternité. Roy ne cadre pas, il fracture les perspectives, il ouvre des brèches. Chaque image est une faille où le visible tangue, l’invisible affleure.

Impossible Island ne se feuillette pas. Il se respire, il se laisse pénétrer. Cet ouvrage est une île à la dérive, une mémoire trouée, un cri silencieux qui s’étire entre rêve et fulgurance du réel. Rien n’est figé. Tout est passage, tout est feu, tout est mirage.

Impossible Islands (from 1983-2023)
Henry Roy
Loose Joints, 2025


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