Peindre Comme Motonaga Aujourd’hui

Dans un monde saturé de concepts froids et de récits anxieux, certain·es artistes peignent pour respirer — et pour résister.
Sadamasa Motonaga, pionnier du geste libre et des formes fluides, souffle encore dans leurs couleurs désobéissantes. Entre jeu, joie et matière souple : une nouvelle esthétique émerge, douce mais radicale. Et si peindre comme lui, c’était déjà reconfigurer le monde ?

Retour à Motonaga : L’art comme respiration

« L’art doit être comme la vie, toujours en mouvement, jamais figé. »
— Sadamasa Motonaga

Sadamasa Motonaga, artiste majeur japonais du mouvement Gutai, a révolutionné l’art du XXe siècle avec ses œuvres spontanées et organiques. À travers l’utilisation d’encres, de vinyles, d’eau et de formes fluides, il s’éloigne de la représentation pour laisser place à une peinture vivante, incarnée, qui n’est pas là pour imiter la réalité mais pour la ressentir. Son travail n’est pas une simple image, mais une expérience. La matière, les couleurs, les gestes — tout cela s’entrelace pour créer un monde où l’art ne se “représente” pas mais vit.

Le jeu comme contre-pouvoir

Sungi Mlengeya, Shimmers, 2025

« Je veux susciter une nouvelle façon de penser chez mon public, qui pourrait changer notre manière d’agir — ou de ne pas agir — dans les situations qui se répètent sans cesse sur le chemin de la poursuite libre et sans entrave de nos véritables préférences. »
— Sungi Mlengeya

Le jeu n’est pas naïf. Dans un monde figé par la souffrance et le trauma, le ludique devient un acte de résistance. Motonaga l’a montré : loin d’être superficiel, il revalorise le plaisir, l’instinctif, la sensualité — une réponse directe à l’oppression et l’élitisme. Aujourd’hui, des artistes comme Sungi Mlengeya, Yayoi Kusama et Maya Hayuk utilisent cette légèreté pour déconstruire les codes et réécrire l’art, en injectant joie et couleur dans des espaces habituellement dominés par la rigidité et la douleur.

Yayoi Kusama, Kusama with Dots Obsession, 2012, technique mixte, © Yayoi Kusama

« Je voulais commencer une révolution, en utilisant l’art pour construire le genre de société que j’avais moi-même imaginé. »
— Yayoi Kusama

La couleur comme arme : héritiers de Motonaga

L’esthétique de Motonaga, qui joue avec la fluidité et la couleur, a ouvert la voie à une nouvelle génération d’artistes qui utilisent le mou, le dynamique et le déco comme puissantes armes visuelles. Firelei Báez utilise des formes luxuriantes pour explorer l’identité, tandis que Zadie Xa et Rina Banerjee redéfinissent le décoratif comme langage politique. Parallèlement, des artistes comme Shezad Dawood et Tschabalala Self transforment les conventions traditionnelles en expériences visuelles sensuelles, joyeuses et rebelles, où le kitsch et l’organique se fondent pour libérer une parole débridée.

« Cette idée de temps non linéaire est importante pour moi, ainsi que celle de mondes différents se produisant en même temps, de voyages vers différents mondes, l’au-delà, un espace liminal psychologique. »
— Zadie Xa

Shezad Dawood, A garden of the Floating World, 2025

Tschabalala Self, “Tschabalala is bold and fearless in her rendering of the female body”

« Un stéréotype est un personnage plat avec deux dimensions. Je peux confronter ces images stéréotypées en créant des personnages multidimensionnels avec des désirs complexes, des dialogues intérieurs et une psychologie. »
— Tschabalala Self

Shezad Dawood, diffferent artwork

« Mes projets consistent à démêler des histoires et des problèmes complexes, donc je pense souvent qu’il faut plus d’une approche ou d’un médium pour apporter une réponse appropriée, respectueuse ou poétique. »
— Shezad Dawood

Reconfigurer le monde par la joie

Harold Ancart, Untitled, 2020

« Pour moi, comprendre la forme, c’est comprendre la couleur. C’est ce dont l’environnement visuel est fait : des masses de couleurs qui se chevauchent, se mélangent, s’assemblent ou se dissocient les unes des autres, et qui génèrent des formes. »
— Harold Ancart

Motonaga n’était pas seulement un peintre, mais un précurseur d’une révolution douce : une peinture qui écoute, qui vibre, qui s’adapte. Loin des formes rigides et des discours figés, il créait un espace où la matière et le mouvement se réconcilient. Cette philosophie de la souplesse et de la fluidité se reflète aujourd’hui chez des artistes comme Pipilotti Rist, qui mêle irrévérence et sensualité, ou Harold Ancart, qui réinvente la matière pour inviter à réimaginer un monde plus fluide. La tendresse, comme la peinture de Motonaga, devient une stratégie disruptive, en rupture avec la rigidité du monde contemporain. Et si la douceur était en réalité l’ultime forme de résistance ?

Pipilotti Rist photographed in her Zurich studio

« Quel que soit le cas, la façon dont vous racontez votre histoire en ligne peut faire toute la différence. »
— Pipilotti Rist

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L'auteur

Bienvenue ! Mannequin voyageuse, je dévoile mon carnet d'adresses autour du globe, illustré par mes plus beaux clichés. Foodista aguerrie, retrouvez ma sélection de tables gourmandes et mes plus beaux shootings photos autour du monde. 

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