Danielle Mckinney m’a rendue amoureuse de la peinture figurative

J’ai croisé le regard des femmes de Danielle Mckinney en 2024, lors de Quiet Storm, son solo show à la Marianne Boesky Gallery à New York. Dans cette série ambitieuse de peintures à l’huile, douze portraits saisissants que je n’ai cessé de revoir depuis. Des muses noires, seules, figées dans une quiétude envoûtante, entre introspection et abandon. Mckinney sculpte la lumière et la solitude avec une intensité radicale, transformant des espaces intimes en sanctuaires picturaux. Spirituel, d’une beauté extrême et sensuelle, son art m’a profondément émue.

Un langage pictural d’une puissance rare

« Quand je suis allée dans des galeries, je n’ai jamais vu de femmes noires, ni en tant que spectatrices, ni en tant qu’artistes. Je pense que, inconsciemment, j’ai toujours voulu voir cela. Alors je me suis dit : ‘Pourquoi ne pas le peindre ? »
— Danielle Mckinney
« C’est ce que j’essaie vraiment de capturer dans cette belle solitude. Certaines de ces femmes sont très tendues dans ces moments-là, une cigarette à la main, et parfois, elles sont simplement endormies et magnifiques. Mais ces instants leur appartiennent. »
— Danielle Mckinney
« Je peins ce que je connais, et, bien sûr, je suis une femme noire et j’apprécie le repos. »
— Danielle Mckinney

L'émergence d'une voix puissante dans le portrait contemporain

La peintre new-yorkaise Danielle Mckinney s’est imposée avec ses portraits envoûtants de femmes noires, figées dans des instants de solitude feutrée. Dans des intérieurs luxueux baignés d’ombres et de lumière, ses muses évoluent, absorbées par une introspection silencieuse. Inspirée par le clair-obscur de Caravage, Mckinney sculpte ses figures imaginées avec une intensité quasi mystique. Drapées de pyjamas ornés de plumes ou de kimonos soyeux, elles sirotent un thé dans une tasse de porcelaine, laissent s’échapper la fumée d’une cigarette, le regard perdu dans une rêverie inaccessible.

Le titre Quiet Storm résonne comme un écho intime aux souvenirs de l’artiste, emprunté à une émission de radio qu’elle écoutait enfant. Chaque toile raconte une histoire différente : la pose élégante de Hold Your Breath, l’intensité hypnotique de Quiet Storm. Rien n’est laissé au hasard—des ongles laqués de couleurs vives à la sinuosité d’un volute de fumée, chaque détail enrichit la narration visuelle.

Sur une base de fond noir, ses compositions émergent comme des révélations, évoquant le développement d’une photographie en chambre noire—un clin d'œil à Zurbarán et à ses portraits mystiques de saints et martyrs. Par touches roses éclatantes et oranges vibrants, Mckinney convoque Matisse, tandis que la lumière suspendue dans ses scènes évoque le silence chargé des toiles de Vermeer. Son regard, profondément cinématographique, flirte avec le voyeurisme subtil de Hopper, dont elle réinterprète parfois les compositions, les imprégnant de son propre langage, de son univers singulier.

Avec une maîtrise picturale magistrale, Mckinney capte l’émotion furtive, la solitude suspendue, et inscrit son œuvre dans une quête radicale de beauté et de contemplation.

« Nous n’avons pas toujours besoin d’être sexuelles.  »
— Danielle Mckinney
« Je pense que cela a également parlé... à d’autres femmes noires qui ne s’étaient pas vues dans un contexte artistique historique, ou simplement en général, dans une position de loisir. »
— Danielle Mckinney

Ses débuts en photographie et peinture

Née en 1981 à Montgomery, Alabama, Danielle Mckinney se forme à la photographie, obtenant un BFA à l’Atlanta College of Art en 2005, puis un MFA à la Parsons School of Design en 2013. Pourtant, derrière l’objectif, une autre nécessité s’impose : la peinture. Longtemps reléguée à la sphère privée, son travail pictural ne quitte pas l’ombre de son atelier.

Un tournant décisif

En 2019, Mckinney partage ses premières toiles sur Instagram. L’impact est immédiat. Son approche singulière du portrait intrigue, fascine. Collectionneurs et institutions s’emparent de son travail. En 2024, sa première exposition institutionnelle, Fly on the Wall, à la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo à Turin, assoit son ascension. Quiet Storm, présenté quelques mois plus tard à New York, consacre son entrée dans le cercle restreint des artistes qui comptent. C’est à cette exposition même que je découvre son travail.

Ses peintures s’arrachent à des milliers de dollars. Elle collabore avec Dior en 2023, inscrivant son esthétique dans un dialogue entre art et mode. On la retrouve aussi dans des expositions collectives majeures, comme When We See Us: A Century of Black Figuration in Painting au Zeitz MOCAA à Cape Town ou IN A DREAM YOU SAW A WAY TO SURVIVE AND YOU WERE FULL OF JOY au Contemporary Austin.

«  Je pense que les gens veulent ressentir, ils veulent être émus. Donc, cette ambiance, j’essaie de la créer avec des lumières tamisées, la fumée de cigarette, le mystère. »
— Danielle Mckinney

Aujourd’hui : l’affirmation d’une vision

Danielle Mckinney vit et travaille à Jersey City, dans le New Jersey. Représentée par la Marianne Boesky Gallery à New York et Aspen, ainsi que par la Galerie Max Hetzler à Berlin, Paris et Londres, elle s’impose aujourd’hui comme l’une des artistes contemporaines les plus marquantes de sa génération.

En 2025, elle est invitée à exposer lors de la prestigieuse foire d’art TEFAF de Maastricht aux Pays-Bas. Cette présentation dévoile neuf nouvelles peintures inspirées d’Edward Hopper, où elle poursuit son exploration du clair-obscur et de la solitude comme force narrative. On y retrouve ses figures énigmatiques, capturées dans des intérieurs feutrés aux lumières suspendues, mais avec une tension renouvelée, une approche encore plus cinématographique du cadre et de la mise en scène.

Son ascension se poursuit avec une exposition personnelle au Rose Art Museum de l’Université Brandeis à Waltham, Massachusetts, du 20 août 2025 au 4 janvier 2026. Ce nouveau solo show promet de révéler des facettes inédites de son travail, dans un dialogue encore plus intime entre ses portraits et l’espace muséal.

Ce succès fulgurant a d’abord été vertigineux pour l’artiste. "Je me suis demandé : si je n’avais pas eu tout ce succès, est-ce que je serais encore dans mon atelier à essayer de faire ces ladies ?" confie-t-elle. "Et la réponse est oui, parce que je suis tellement curieuse de savoir ce qui va se passer sur cette toile. Chaque jour, je veux juste savoir."

« Mes sujets sont introspectifs et représentent des personnages fictifs. Parfois, ils sont moi. Parfois, ils sont une émotion que je ressens. »
— Danielle Mckinney

Alors que ses œuvres s’arrachent à des dizaines de milliers de dollars et intègrent des collections majeures, Mckinney ne cesse d'affiner son langage pictural. Elle s’aventure vers des palettes plus audacieuses, des formats plus imposants, tout en conservant cette obsession pour la lumière et la solitude qui fait la singularité de son art.

J’espère qu’elle sera exposée en France très prochainement, afin que davantage de passionnés puissent découvrir son travail poignant et intime. Une trajectoire qui ne cesse de s’élever, avec une intensité qui, comme ses toiles, hypnotise et laisse une empreinte indélébile.

Les photos sont protégées par copyright par Danielle Mckinney et sont (pour la plupart) fournies par la galerie Marianne Boesky.


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L'auteur

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