Les maîtres du Make-Up que les marques s'arrachent (et que personne ne connaît)

Dans l’ombre des podiums, ils sculptent les visages, définissent les tendances et insufflent une aura inoubliable aux défilés les plus prestigieux. Ces make-up artists de génie, adulés par les marques mais invisibles du grand public, sont les architectes silencieux de la beauté. Qui sont-ils ? Pourquoi leur nom reste-t-il méconnu alors que leur travail est partout ? Plongée dans l’univers secret de ces maîtres du pinceau que l’industrie s’arrache.

Chaque mannequin, chaque célébrité, chaque image — une armée de créatifs orchestre l’illusion. Maquilleurs, coiffeurs, stylistes, nail artists, techniciens : ces architectes invisibles sculptent l’allure et génèrent des millions de vues, d’images et de vidéos, disséminées aux quatre coins du monde.

Pourtant, derrière cette frénésie médiatique, une question persiste : qui façonne réellement ces récits ? L’inclusivité affichée en surface reflète-t-elle une véritable transformation en profondeur, ou n’est-elle qu’un mirage soigneusement mis en scène ? Les coulisses de la mode restent-elles un territoire réservé, malgré le discours ambiant ?

L’industrie se drape d’inclusivité, mais les coulisses racontent une autre histoire. Les défilés affichent des visages BIPOC sur les podiums, mais qu’en est-il des postes décisionnaires ? Pharrell brille chez Vuitton, mais où sont les autres ? Combien de directeurs artistiques, designers en chef ou stratèges créatifs issus de ces communautés façonnent réellement l’avenir des marques ?

La diversité ne peut pas se limiter à l’image, elle doit s’imposer dans les studios, les conseils d’administration et les ateliers. Sans cela, l’inclusivité reste une mise en scène, un écran de fumée qui cache une réalité bien plus figée qu’elle ne le prétend. Décryptons ensemble les pionniers qui ouvrent la voix.

Les Make-Up Artists qui font le show

Pat McGrath

Création make up de Pat McGrath pour le défilé Margiela, Paris Fashion Week Haute Couture printemps-été 2024

Britannique d’origine jamaïcaine, Pat McGrath est une légende vivante du maquillage, façonnant l’esthétique des podiums depuis plus de deux décennies. Considérée comme la maquilleuse la plus influente au monde, elle a orchestré pas moins de 15 shows cette saison, imposant sa vision avant-gardiste dans les backstages les plus prisés. Entre coups de pinceau et innovations produits, McGrath ne se contente pas de sublimer les visages : elle réécrit les codes de la beauté contemporaine. Tout en dirigeant d’une main de maître sa marque iconique, Pat McGrath Labs, elle signe désormais le développement d’une nouvelle ligne de cosmétiques de prestige, consolidant son règne absolu sur l’industrie.


Sir John

Sir John est l'un des maquilleurs les plus célèbres et influents de l’industrie de la mode. Né à Buffalo, New York, il a tracé son chemin avec une audace rare, imposant une signature ultra-glamour à la frontière du classique et du disruptif. Sa rencontre avec Yadim Carranza en 2010 l’a propulsé dans la cour des grands, le menant aux côtés de légendes comme Pat McGrath et Charlotte Tilbury.

La même année, un moment charnière : le défilé inaugural de Tom Ford. Entre backstages en effervescence et pinceaux qui dansent, Sir John croise Beyoncé. Une alchimie instantanée, une collaboration qui allait redéfinir l’histoire du glam contemporain. Depuis, il est devenu l’architecte des looks les plus iconiques de la star, du Super Bowl au Met Gala.

Sa trajectoire ne cesse de s’élever. En 2023, Kilian Paris lui confie la direction artistique de son maquillage, le premier à occuper ce poste dans l’univers feutré du luxe olfactif. En 2024 et 2025, son influence explose sur les podiums : Tom Ford, Carolina Herrera, Romeo Hunt, Estée Lauder. À Paris, il signe des looks magistraux pour Valentino Automne-Hiver 2024 et la Maison Margiela Haute Couture Printemps-Été 2024. À Milan, Versace lui confie la mise en beauté de ses silhouettes sculpturales.

Mais derrière le glamour et la perfection, une mission plus profonde : ouvrir la voie.

« Il ne s’agit pas juste de maquillage. Il s’agit de représentation, d’héritage et d’élever la beauté sous toutes ses formes. »
— Sir John

Fara Homidi

Fara Hakoudi, photographiée par Aaron Stern, Harper Bazaar

Née en Afghanistan et élevée à San Francisco dans les années 90, Fara Homidi s’impose aujourd’hui comme l’une des maquilleuses les plus innovantes de sa génération, en particulier sur les podiums des plus grandes maisons de mode. Son style minimaliste et sophistiqué a fait sensation lors des défilés de Coperni, Off-White, Miu Miu et The Row, où elle a su captiver l’attention avec une approche naturelle et émotionnelle du maquillage. Utilisant des matériaux audacieux comme le latex liquide et des boîtes de Petri, elle a créé des looks avant-gardistes qui ont redéfini les codes de la beauté sur les catwalks.

State of Wonder Vogue US, Mars 2025, par Tyler Mitchell, stylisme de Camilla Nickerson, coiffure par Jawara, MUA par Fara Homidi, avec Anok Yai

En 2023, elle lance sa marque éponyme, Fara Homidi Beauty, avec une vision radicale du "slow beauty", qui privilégie des produits de qualité et une approche plus consciente de la beauté. Entre 2024 et 2025, elle poursuit sa montée en puissance, en collaborant avec des maisons prestigieuses comme Valentino, Chanel, Loewe, ou encore Casablanca. Derrière les lumières des défilés, elle sublime des icônes comme Lupita Nyong’o, Rihanna et Yara Shahidi, tout en défiant les conventions et en redéfinissant la place de la beauté BIPOC dans l’industrie.

« J’ai grandi avec un regard différent sur la beauté, et mon travail est une façon de célébrer cette diversité tout en étant audacieuse. »
— Fara Homidi

Les Rédacteurs en chef, stylistes et Directeurs Artistiques

Samira Nasr

Première femme noire à prendre les rênes de Harper’s Bazaar US, la rédactrice en chef Samira Nasr n’a pas perdu une seconde pour imprimer sa vision sur ce mastodonte de la presse, vieux de plus d’un siècle et demi. Arrivée en 2020 après le long règne de Glenda Bailey, l’ex-styliste d’origine libano-trinidadienne de Vanity Fair et American Vogue a fait voler en éclats les codes figés du magazine. Dès le départ, elle annonce la couleur : élargir la définition du luxe, intégrer plus de politique et d’actualité, et surtout, donner la parole aux voix trop longtemps ignorées.

« Mon regard est naturellement coloré. Il est essentiel pour moi d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de Bazaar en mettant en lumière celles et ceux qui façonnent notre époque. »
— Samira Nasr

Elle ne se contente pas de changer le ton du magazine : elle le réinvente. Dès son arrivée, elle orchestre une refonte complète du Bazaar, modernisant ses formats et ses franchises pour toucher de nouvelles communautés. Sous sa direction, le site atteint 12,5 millions de visiteurs uniques par mois, une croissance qui reflète son ambition de connecter le luxe à une audience plus large et plus diversifiée.

Pour transformer cette ambition en réalité, Nasr s’entoure d’une garde rapprochée audacieuse : Laura Genninger à la direction artistique, Leah Chernikoff en executive editor, et Nikki Ogunnaike à la tête du digital. Un trio stratégique pour une révolution de fond.

Son engagement dépasse les pages du magazine. Membre du CFDA Black Advisory Board, elle milite pour une mode plus inclusive et égalitaire. Pour elle, l’innovation n’est pas qu’une question de technologie, c’est aussi une question de représentativité. Qui raconte les histoires ? Qui est derrière l’objectif ? Qui est assis à la table des décisions ?

Son parcours ? Une ascension fulgurante. Assistante de la légendaire Grace Coddington chez Vogue, elle affine son œil chez Elle et InStyle, avant d’imposer sa patte chez Vanity Fair. Aujourd’hui, à la tête de Bazaar, elle fait plus qu’éditer un magazine : elle redéfinit le luxe pour une nouvelle génération.

« La mode est une plateforme pour célébrer la diversité. Ce que nous portons, ce que nous créons, doit refléter toutes les histoires humaines. »
— Samira Nasr

Ib Kamara

Portrait de Ib Kamara, photographié par Kristin-Lee Moolman

Né en Sierra Leone en pleine guerre civile, Ib Kamara débarque à Londres à 16 ans. Après un détour par la médecine, il intègre Central Saint Martins et impose vite son esthétique visionnaire. Son ascension est fulgurante : de Dazed, dont il devient rédacteur en chef, à Off-White™, où il succède à Virgil Abloh en 2022 comme Art & Image Director.

En 2024, il signe les looks d’Usher pour le Super Bowl, habille Beyoncé pour Renaissance, et insuffle son ADN à Balenciaga et Thom Browne.

En 2025, il façonne l’identité mode du Dazed Spring Issue et du American Vogue avec Sabrina Carpenter. Il vient de sortir la nouvelle campagne de Miss Sixty avec Bella Hadid par Carlijn Jacobs et continue de bousculer les codes avec Off-White™ sur les podiums de Paris et New York.

« La mode doit raconter des histoires. Et ces histoires sont plus fortes quand elles viennent de ceux qui n’ont pas été vus avant. »
— Ib Kamara

Pour aller plus loin

La question de la visibilité et de l'inclusion des créatifs BIPOC dans l'industrie de la mode est cruciale. Malgré des avancées, ces professionnels – maquilleurs, coiffeurs, stylistes – restent souvent en marge des scènes mondiales. Cependant, des initiatives récentes témoignent d'une volonté de changement.

Le British Fashion Council (BFC)

Le British Fashion Council (BFC) œuvre activement pour promouvoir l'inclusivité au sein du leadership de l'industrie de la mode, en ciblant spécifiquement les postes décisionnels et stratégiques occupés par des personnes issues des communautés BIPOC. Au-delà de la représentation sur les podiums, le BFC s'engage à diversifier les rôles clés au sein des marques de mode. Par exemple, en 2024, l'organisation a mis en place des programmes de mentorat et des bourses destinés à soutenir les talents émergents issus de ces communautés, favorisant ainsi leur ascension vers des postes de leadership.

Le Black in Fashion Council (BIFC)

À Milan, le Black in Fashion Council rassemble un collectif résilient composé d'éditeurs, mannequins, stylistes, exécutifs des médias, créatifs freelance et autres acteurs de l’industrie, tous unis pour redéfinir l’inclusivité au sein des entreprises de prêt-à-porter. Leur mission : inciter les marques, publications et figures influentes non-noires à réfléchir sur leurs rôles dans l’ouverture ou l’obstruction des opportunités pour les talents noirs dans cet univers.

L’organisation rappelle que l’industrie de la mode ne saurait se prétendre progressiste tant qu’elle ne s’engage pas activement pour une véritable diversité au sein de ses structures, tout en combattant les systèmes racistes enracinés depuis des siècles. L'événement "Communities at Work" lors de la Fashion Week de Milan 2023, en partenariat avec Vogue Italia, a mis en lumière les défis auxquels sont confrontés les talents BIPOC, tout en soulignant l'importance du mentorat et de stratégies d'inclusion à long terme. La présence d'Anna Wintour en tant qu'invitée d'honneur a accentué la portée de cette initiative essentielle.

À quand une initiative équivalente à Paris ?


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L'auteur

Bienvenue ! Mannequin voyageuse, je dévoile mon carnet d'adresses autour du globe, illustré par mes plus beaux clichés. Foodista aguerrie, retrouvez ma sélection de tables gourmandes et mes plus beaux shootings photos autour du monde. 

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